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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

samedi, février 05, 2011


Pour accomplir, vaille que vaille, le rite, me suis précipitée, fouettant crâne en léthargie, corps peu vaillant, et oreilles orientées vers France Info, sur les vases communicants. Non, à vrai dire, j'ai tenté, parce que plaisir en attendais, de lire avec les lambeaux d'intelligence dont disposais vendredi matin, la belle palette que nous nous offrions. N'ai pas, je le crains, été accueillie par tous les textes, totalement. Ma qué ! Ma foi, voilà ce que j'ai noté au fil de mes lectures, remis en ordre, sans retouches, en émergeant de l'Egypte, en fin d'après-midi.
Mais, pour lecture totale et confortable, il y a, établi par Liminaire (Pierre Ménard), et on suivait sa progression http://www.scoop.it/t/les-vases-communicants

Il y avait le premier échange annoncé, qui m'avait fait sourire de plaisir, entre
un écrivain parle du sourire de l'éditrice qui l'a suivi tout au long de sa carrière, et de son succès, sourire qu'il pensait réservé à ses textes, exclusivement, jusqu'au jour où il la voit sourire, non pas en le lisant, mais dans le vague ` « j’ai su immédiatement que désormais je détesterai son sourire, que je ferai tout pour qu’il n’apparaisse jamais plus, que je cesserai d’écrire s’il le fallait, oui, que j’irai jusque là, cesser d’écrire pour faire disparaître son sourire s’élevant au-dessus de mon texte et non plus penché sur lui, plongé en lui » et Laurent Margantin y ajoute une jolie chute
et
une gisante « qui ne s’éveilla pas malgré toutes nos prières malgré nos plaintes basses malgré nos lourds chagrins malgré que nous chantâmes mais à mi-voix et lasses les airs de sa jeunesse le vent du printemps fou.. » - toujours cette écriture que j'aime

est partie d'un texte d'Anita Navarrete-Berbel pour déplier une sorte de chant de qui n'a pas de pays natal, pas de racine « pas de réponses ni de pardons, rien qui m’étreigne mais là et le regard, quand je peux regarder, quand je peux regarder, tout s’ouvre, une journée immense, ils, calmes, ils apparaissent, ils tirent et ils s’agrippent et ils râlent le faisant, cheminées d’air qui traversent les bouches, » sa finesse
et
à deux voix « il » qui « est debout dans la cuisine,il ne bouge pas,il reste longtemps bras soulevés mains contre la nuque. » avec l'enveloppe déchirée
et « tu » qui quitte la maison en voiture, écoute « see the lights »
et dans son texte elle reprend des mots de Christine Jeanney

et ses jeux merveilleux avec les mots, avec téléphone
« la résurrection des morts a lieu avant la fin du monde
il suffit d’un coup de fil »
et de central en central c'est délice
et
un jour d'ennui, le téléphone, un oncle, le retrouver, l'écouter, se souvenir : cette rencontre possible qui n'a pas été, il y a longtemps (et cette façon dont Pierre raconte) « Je me suis retourné, pour regarder mon oncle. Il n’y avait personne. Je me suis levé, ai pris mon chemin dans l’autre sens. Puis, au loin, sur le pont au Change, au loin, des lumières brillaient. Paris, en hiver. »

sur les mots port/porte : port idée de passage
« De la porte comme entre deux, passage. Franchir, s’éloigner. Porte des départs et des ruptures »
et
Sam Dixneuf http://www.àchatperché.net/spip.php?article263 : une trappe dans un dédale d'égouts menant à un musée – un tableau : une porte – la regarder « Arrondie, elle semble faite de plusieurs compartiments. Pour qu’elle fonctionne, elle ne peut que tourner sur elle-même, comme les carrousels de mon enfance. De quels ballets cet homme n’a-t-il été le témoin ébahi ? Ceux qui se précipitent sans hésitation dans le mécanisme, qui l’accélèrent même, ceux pour qui la ronde des temps n’est pas assez rapide et qui piaffent d’impatience »

le point final n'est pas la fin
« quand il m'a écrit ce mot là, je me suis dit que c'était fichu. qu'il n'y avait plus rien à écrire.
puisque la ligne était morte
tout avait déjà été écrit, dit, lu, entendu, raba ché »
et
que faire après
« quand on à quelqu’un comme ça
qui
vous hante
vous traque

s’en va sans mot dire

se terre et se tait

s’ignore »

en quatre paragraphes nets : l'isolement devant l'écran et les contacts virtuels
« C’était risquer de demeurer soi en restant seul chez soi. Fréquenter modérément ses semblables en imagination et apprécier leur présence virtuelle. Réussir une relation fictionnelle. »
et
lire, se plonger dans la lecture, relever la tête, renouer avec le monde (beau) « relever la tête et voir l’ombre des choses au même endroit, preuve qu’ici le temps ne s’écoule pas et simplement prendre connaissance de ce fait », et puis.. Cornaline qui marche « quatre-pattant », vieille de ses neuf mois

écrire, la table, ce qui s'y accumule, et puis un entassement de livres, dont on s'est servi, la pièce, les rayonnages où sont des objets et puis des livres, et leur classement, fluctuant  
« A d’autres endroits, ils sont sur deux rangées et difficile de savoir lesquels sont derrière. Je cherche régulièrement des livres que je ne retrouve pas. Je ne les prête pas (ou alors on achète pour offrir) mais il y en a quand même régulièrement qui disparaissent » et bien sûr en lisant ça on se sent mieux, et les livres partout, et leur histoire – et leur empilement, le classement de ce qu'on en a tiré qui se fait en nous, dans la tête, dans ce que l'on écrit.
Et
se souvenir de ceux qui parlent, s'occupent des livres, de tous ces livres égarés
« le visage de cet homme qui m’avait sommé de ramener tous les livres perdus de la création, ceux de la bible, les livres oubliés d’Eden et le Livre d’Enochk, »
des gens, des lieux, et des livres bien entendu, les perdus, les jamais trouvés... la recherche sans fin.
Un si bel échange.

Cécile Portier http://futilesetgraves.blogspot.com/2011/02/vases-communicants-choix-multiples-par.html : « je ne suis pas celle que tu crois » et s'en suit une superbe, longue, savoureuse litanie de ce que « je » suis : « Je suis la mère de tes enfants. Je suis ta fille, ta soeur, ta femme, ta cousine Berthe, celle de l’été de tes 15 ans, tu te souviens sans doute. Je suis celle qui n'oublie rien. Je suis ta collègue, ta femme de ménage, »
et
rentrer dans le rang/ au bout d'un moment/et rapido – et c'est dit en beau rythme, rapide, pressé,
« (on savait pas encore ce que ce serait,

le contexte,

quand on devrait rentrer dans le rang),

et qu’alors en en voyant le bout,

par comparaison, par contraste,

on verrait un moment,

à quoi ça ressemble,.. »

un texte que l'on peut lire d'une traite ou, en suivant les liens, en passant de l'un à l'autre blog, pour sa participation
« Comme pour mordre,

Les mains caressent.

Tout n’est alors plus que peau.

A dévoiler, à parcourir,

Dans nos mains, par nos mains,

Se révèle, affleure,

Ce nous,

étendue, sculpture de peau,

se presse, se chaleur, se moiteur

s’étreint. »
et
celle de Benoit Vincent http://erohee.net/rousse/?p=272
« L’un s’attaque à la peau de l’autre, qui se laisse faire. Je mesure la peau et plus seulement la peau comme surface,

mais la peau comme profondeur : je goûte et soupèse et dessine et mime le galbe, le plein, le délié, les linéaments, les points d’ancrage qui ne font pas de ce corps une étendue, mais un nœuds complexe de dimensions. »

tapie dans le jardin, guette son histoire, prête à l'écrire
« Tu sais qu’elle peut prendre tous les aspects. Il peut s’agir d’une statuette de bois doré ; d’une phrase énigmatique lue au détour des Mémoires de Saint-Simon, d’une jeune femme à l’accent slave.. »
et
réflexion, le langage, la métamorphose, l'équilibre, une marche
« Le sens de la vie est notre sens moral, quand il n’est pas sens dessus dessous. Nous le construisons, il nous ressemble, il va vers ce que nous devenons. Multiple, il ne peut être qu’un perpétuel questionnement. Il est aussi sables mouvants : notre enlisement moral, notre isolement sensible. Solitude. »

un dialogue ou une réunion alerte : comment présenter ça, tous ces presque rien
« Et puis t’inquiète, tous ces petits bouts de rien, ils s’agglomèrent autour du grand caïd, tu sais, le brise-lames, tu te rappelles, le truc sur lequel on bosse depuis des années »
et
les tessons, les débris de poterie, le premier trouvé à deux pas du phares, et puis les autres trouvailles merveilleuses, et la quête longue dessinant une carte, jusqu'à ce que leur nombre les déprécie
« Tout cela ne débouche sur rien, je le sais aujourdʼhui, sinon sur lʼassurance dʼavoir été là où ils furent un jour, à Mazara, Epesses, Patras ou Patmos. Ils ne sont que de petites méditations sans mobile apparent dont je me souviens à peine et peine à me séparer, minuscules théâtres qui tiennent le temps dʼun éclair le monde au creux de leurs mains, la béatitude et le temps qui passe »

un narrateur observe un homme à travers une vitre – les mots qui s'adressent à on ne sait qui ou quoi et la buée sur la vitre
« Et alors dans ce moment-là tu te souviendras de moi et tu reviendras. Tu comprendras alors que tout est semblable et que le bleu que tu cherchais là-bas est le même que celui que tu vois ici et encore le même que celui qui coule en toi. Je n’avais rien compris à tes paroles de vieux fou et je suis parti. »
et
se souvenir, reconstruire, les reflets, dans les chambres, ce qui est dit (et il faut écouter en même temps «US » de encre)
« Aujourd'hui j'écoute attentivement et je comprends distinctement tout ce qu'elle me dit. Des souvenirs resurgis de ces chambres éphémères. Les jeunes prennent des pilules, les vieux prennent des pilules. Tout le monde gobe. Une histoire toujours multipliée et chaque fois singulière, parfois racontée, déguisée à soi-même comme aux autres. »

le cheminement des tensions, douleurs, émotions dans le corps humilié
« Non, pas une heure sans que permutent les axes de la pensée, du bien au mal, dans un cortège sanguin permanent, inéluctable fin annoncée, consciente dans l’esprit, saumâtre sur le chemin. Chemin tortueux » (bellissimo)
et
ce que c'est qu'être adulte, de le devenir, sans l'avoir voulu, et de savoir qu'autrefois, il y a un peu de temps
« L'inexplicable magie des jeux imaginés dans les cours d'école qui nous transportaient dans un monde parallèle et que l'on retrouvait à n'importe quel moment, au retentissement d'une cloche ou sur un simple claquement de doigt. L'évasion, le passage d'une âme à un autre. La capacité à se débarrasser des gardes chiourmes qui oppressent. »

« TOUT doit parler !!! – mais tout ne parle pas. Même en désordre. Tous sens autorisés. Grammaire ne me jette pas dehors. »
et
un poème cosmétique, liste de noms de substances et « ENTRE HUIT ET DIX HEURES, OCTAVES FRAGILES, EMOLLIANTES, LE LONG DES CILS ROULE UNE LARME PLATE, RÉSINE RICINE QUI COLLE, DISSOUTE PAR LE SOUFFLE ACIDE, PAR L’ALCOOL. »

une très belle lettre à un ami dont on s'est éloigné (et ponctuée de belles photos en accord/contrepoint mais les billets sont parus trop tard pour que j'en emprunte une)
« Cher ami qui pensez à moi

ne pourriez vous trouver la porte
qui me retient si loin ?

Cherchez dans votre monde
l'issue dont j'ai perdue la clef. »



ne pouvant dire, disséquer, je reprends simplement cela « de tout ça bouche française que nous faisons justifié par féroce manie de montrer d'avoir raison... »
et
sur même billet, mais en blanc sur noir, Jean-Marc Undriener, en réponse/contrepoint
« se trouve barrée la tête d'une tempe à l'autre pour cause d'éclats de voix fichés là, voix lourdee de mercure de plomb cadmium... »

Clara Lamireau http://www.volkovitch.com/ (tag vases communicants) :
courir dans le parc de Versailles en hiver (et moi qui n'aime ni courir ni l'hiver, elle m'a fait rêver)
« Deux jours plus tard c'est à la nuit tombée que nous entrons chez le Roi Soleil. La neige nous accompagne dans la première descente, elle crisse sous nos chaussures. Le ciel est encore gorgé de lueurs, comme à la campagne juste avant que n'apparaissent les étoiles. Nous courons parfois main dans la main, comme des gamins qui s'évadent pour la première fois en douce pour aller jouer dans les champs. », l'évolution en quelques jours vers la survenue du printemps.
et
recense les marques de mépris qui stigmatisent, d'un écrit à l'autre, le coureur, le joggeur et plaide sa cause (comme l'avait fait Murakami)
« pour tout avouer je me fous des autres sports, je me fous des stars et encore plus de leurs supporters, je parle égoïstement de ce que je connais, de ce que je fus et suis encore : un coureur de grandes distances et de petites performances. Voilà qu’on ose me dépeindre en être soumis, en mouton de Panurge, moi qui ai toujours vécu la course de fond comme une leçon d’indépendance, d’insoumission ! »

beau texte sur une libération, et le poids qui reste de l'enfermement « Ce matin-là, il les avait fait tourner, ces poignets, comme pour les essayer à l’air libre, comme s’ils étaient tout neufs. Il avait fait mine aussi d’appuyer sur les cordes d’une guitare avec ses doigts de la main gauche et de battre un rythme avec ceux de la main droite. »
et
la lever d'écrou, au Portugal, d'un que l'on nomme « le Polak », premiers pas de liberté - « Il a longé un parc et débouché sur une place où les voitures font la ronde autour d'une colonne betonnée que surmontent, noirs, un lion et un aristocrate à perruque. Le trafic est infernal, et le trouble du monde à nouveau entre en lui comme une gigantesque ritournelle. Il prend la Liberdade large et feuillue. Ses compagnons lui ont dit : la Liberdade, tu vas descendre la Liberdade et là tu verras la vie autrement. »

l'insomnie et la nostalgie du temps où elle était rare, où les rêves peuplaient l'attente du jour
« les étés, alors, paraissaient infinis, et presque tout paraissait ainsi, sans limite, sans frontière, à l’image d’une seule journée d’été, qui suffisait pour rendre l’écho lointain de l’infini, les êtres eux-mêmes, à cette époque très douce, étaient presque éternels, presque, on le savait, mais l’éternité était proche, presque atteinte, à portée de main, de sorte que les amitiés étaient palpitantes autour de secrets ronds, et l’insouciance, féroce »
elle regardait le plafond, et l'angoisse monte peu à peu – la tache qui grandit, se modifie
et « elle vit l’obscurité l’entourant se déliter, absorbée par les volutes majestueuses et pleines de matière vivante, scintillante, irradiante. Une voie lactée se déployait au-dessus d’elle, à une vitesse vertigineuse, multipliant l’infini du vide à la multitude des mondes »
et le rêve

Enfin il y avait un mien ami labrador O.... et nous.
Labrador devenu sous la plume de Joye un chien américain bien plus déluré, spirituel (capable de reprendre images que les deux peuples se donnent) qu'il ne l'est. Et passablement irrésistible. Chien de ferme (O. le vrai, celui de la photo, l'est devenu)« C’est un métier de philosophe. Il faut l’être lorsqu’on vit à la campagne. Membre de la famille, je n’ai pas tous les droits. Je peux me promener en camion, mais je n’ai pas le droit de le conduire. J’ai le droit de faire un peu peur aux vaches, mais pas trop, et je n’ai pas le droit de les mordre sauf en cas d’urgence »
et
m'est revenu souvenance, un peu transposée, de notre compagnonnage, quand l'était un tout petit peu plus jeune, quand j'étais un peu plus déglinguée, il y a quelque temps déjà, et ma phrase habituelle quand je le rencontre (au moins la première partie)
« tu es très beau, tu es très tendre, tu es très con.
J'installe ma faiblesse, trop grande pour être triste,
bien blottie dans ton poil,
là où il passe de l'or au blanc dans la lumière »

Et puis me suis dopée (enfin presque), ai mis une robe rouge et suis partie pour un concert, qui avait beau programme, qui a eu belle exécution, je crois, même si l'on ne tient pas compte de ma lassitude délicieusement flottante.

14 commentaires:

joye a dit…

TU ES É-POU-STOU-FLANTE !!!

(même sans la robe rouge qui est "to die for" comme on dit en anglais - wow)

Re-bravo et admiration !

Brigetoun a dit…

pas de quoi - par contre si tu as un peu de temps jette un coup d'oeil sur le lien au début vers le journal de Liminaire.
Je me dis que je vais arrêter mes résumés.
Bon là, dîner et dodo

Michel Benoit a dit…

Pfiou !

mémoire du silence a dit…

EH ! Bé ... quelle richesse... et pour finir : la robe rouge, j'aime.

Wictoriane a dit…

arrête tout ce qui t'épuise mais continue à mettre ta superbe robe !

arletteart a dit…

Il fallait bien cette superbe robe de Princesse pour accompagner ces fleurs multiples de textes percutants

jeandler a dit…

Tu passes ta robe rouge
et me dépasse
Voilà du pain (et quelle fournée!amie mitronne !) sur la planche pour le week-end.

JEA a dit…

Combien vastes ces vases...

joye a dit…

Chuis allée voir le journal ! Waouh ! Bookmarké, c'est trop cool !!!

Et le concert, madame, c'était à ton goût ?

Pierre R. Chantelois a dit…

Je ne sais vraiment pas comment vous gérez votre temps. Admirable. Toutes ces lectures au sein de la communauté des magiciens des mots. Je suis épuisé à penser à tous ces pas que vous parcourrez dans une seule journée.

lireaujardi a dit…

J'ai découvert les vases communicants grâce à toi, merci encore. J'ai commencé à en lire quelques uns, mais ces résumés que tu nous proposes sont un vrai régal et permettent de mieux y naviguer !

Gérard Méry a dit…

Même avec ma dose d'EPO suis pas allé jusqu'à la robe rouge.

Estelle Ogier a dit…

Merci pour votre énergie spectaculaire !
Cordialement.

Xavier a dit…

Quel magnifique travail, je suis désolé de découvrir si tard ce billet.
Merci à vous de nous faire découvrir ces textes sous cette forme, avec vos mots et votre regard. Bravo .)