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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

samedi, novembre 05, 2011


Nuit en plein jour, cataractes dans toutes les canalisations, fréquentes stations devant porte-fenêtre pour repousser l'eau par la force de ma volonté, maladresses bloquant machine, c'était vendredi de mini-catastrophes et d'yeux tirés dans la pénombre de l'antre, mais c'était vendredi et donc vases communicants. L'envie de lire, de goûter, de découvrir se mariant cahin caha à un esprit vagabond qu'il fallait toujours récupérer sur des voies de traverse et en revenait non malléable. C'est comme ça peut.
Mais surtout ne manquez pas le regroupement auquel oeuvre, fidèlement, Pierre Ménard http://www.scoop.it/t/les-vases-communicants

accident
à partir d'un passage de « pompes funêbres » de Genet, un superbe bloc de mots d'un qui a vu des tôles froissées et un petit gars et le SAMU
« Il a entre les mains, j’dirais, un sac en plastique rouge. Il porte entre ses mains son coeur encore chaud. Il dormira mieux d’ssus. Rouge et chaud sous la tête et la nuque et dents qui claquettent. Il ne s’retourne pas mais moi oui. Pieds nus il avance et laisse sur l’autoroute de belles traces de ses plantes. Il avance dans les sueurs de nuit (on klaxonne, on gémit, on s’agosille et on hurle à l’aide - sauf que moi j’y suis pas) et les brouillards l’appellent (et son nom : un soupir). »
et
C(a)o(v)eur – nous parle un coeur sollicité pour sauver un homme entre la vie et la mort après un accident (le même ?) sous les yeux d'un homme abruti ou jugé tel, un raconteur d'histoire -
mais l'histoire, et quelle!) c'est celle de ce coeur qui va de projet de poitrine en projet de poitrine (lisez pour savoir)
« Il s’est fait tuer par un parfait inconnu avec un fusil dans les mains. Ce parfait inconnu m’a ensuite revendu. Et puis aujourd’hui je vous écris cette histoire de la poitrine d’une femme. Elle est très belle, j’en profite largement »

un cahier
le cahier resté dans la maison presque vidée, seule trace de lui
« Alors même que je me refusais obstinément à déchiffrer son écriture, je ne pus m’empêcher de feuilleter, succession de pages noircies à saturation, lettres à peine esquissées, mots reliés les uns aux autres par la pointe du stylo, aucun espace, non, une continuité délicate, fragile et surprenante, un fil refusant de se rompre dessinant le silence plutôt que le laisser filer. Combien de pages, alors ? Le cahier était plein, combien de pages pour autant d’histoires, de pensées, d’échanges qu’il m’avait refusé ? Lui qui ne parlait jamais.
Je ne lirai pas, non. Plutôt crever. »
et
l'accueil du berger – la cabane pour les marcheurs, trouver traces du berger qui l'habite, la cafetière, un chandail, la table avec les livres et un cahier fermé – respecter et penser à sa propre table de travail d'avant l'ordinateur
« On ne s’immisce pas dans la table d’écriture d’un autre. Mais on reconnaît le cahier, la page de notes, le dictionnaire, les livres. On a cette complicité. Au mur, des photos d’autres montagnes : faites par lui-même ? »

naviguer, dériver
chez les hommes qui ignorent la mer et mangent leur pitance sans sel
une vidéo où le bateau et la mer sont presque oniriques, passer entre deux rochers, débarquer pour une caverne (on retrouve Vautour déjà rencontré) – visite en dérive
« Notre dérive interminable sur la salée, lui et les ombres qui l'entourent, l'ignorent...Tu continues à raconter, d'un ton plat comme un lac sans vent, d'une voix blanche que je ne reconnais pas, que cet ami t'as reconnu dans l'instant, réclamé une pitance, depuis son séjour entre ces murs froids, lui et les ombres ne mangent que de l'air poussiéreux. Tu lui tends une galette, il réclame du sel. Sans iris, ses pupilles laiteuses sans horizon, presque translucides t'absorbent, comme une brume s'évaporant d'une mer gelée. »
et
entrer par « dans son sillage on disait, l’ombre le précède toujours, il est préférable d’être à sa suite que sur sa route. Et quand bien même on aurait déserté nos balises et rendu l’hommage au feu couvant sous les planches, nous n’aurions écrit que l’avant-garde du solstice, car celui-ci le suivait, comme un chat une merlette, le ventre vide et la griffe avide d’en percer la panse. »
 Chant I, Fatras de Fatum. - et suivre U, débarqué à Y, y cherchant abri pour son équipage
« U. rongeait son doute à chaque enjambée. Il pataugeait sur un chemin visqueux, marmonnant les dits de l’oracle consultée l’avant-veille. Il sourcilla vers la masse montagneuse, flairant une épreuve divine, tout tenaillé entre l’obéissance et cette merveille donnée aux mortels qui est de dire non et d’en mourir souvent »

textes sur images d'Ernesto Timor
la buée sur le carreau « Camille avait collé cette image d’oiseau sur la fenêtre pour s’amuser et avait mis aussi un chat et un coq et une étoile et un croissant de lune et… il ne sait plus… »
et
« trois petits coquelicots
chaque été refleurissent
où il offrit sa vie »

échange de textes et images
de belles encres et un texte bref, bien dru, dont le mieux, me semble, est de prélever deux passages
« Combien d'années se sont écoulées à négocier un armistice? Le temps d'une colère à se déboîter la mâchoire............. Les hommes continueront de se lever et de courir derrière leur ombre. Ils n'y gagneront rien, mais ils s'y obstineront... »
et
une photo et un très court et beau texte
« Cinq voix montent, note stable. On y découvre des virages, et des accidents d’où se relève, indemne, l’unisson. Mailles mêlées, une à une par chacune : tisser, sans pour autant recouvrir, surtout pas, tisser pour tendre des courtes échelles, »

textes et images
c’était daffodils and lily-of-the-valley et c'est les mots de Maryse dans un jardin, toujours comme elle sait, et c'est aussi ses images, et c'est tout beau
« presque toute la nuit la main traçait les lignes
encre de chine ou fusain
feuille tenue dans l’autre main ou posée dans un verre
jeu de doigts de poignet de pinceau de bambou »
et
suivre une femme qui monte un escalier, débouche dans la lumière, et c'est un vrai plaisir
« pour ancrer mon équilibre alors que je progresse vers le haut, je tiens les barres en velours sur le mur de gauche, l’axe de l’escalier, et
plus haut, le mur de gauche devient lisse, plus rien pour tenir. »

nouvelles
entre les lignes il faut lire - les nouvelles du monde qui défient la raison, la lecture, le petit bruit des faits et fausses vérités assénées,
« J’essaie de relier tous ces points comme les escales d’un navire sur la surface mouvante de l’océan, de reconstruire des lignes de fuite. N’y arrive pas toujours. Hésite entre toujours ou jamais »
et puis les lignes des paumes de la main
et
il faudrait un jour prendre un journal « et y reprendre chaque nom de ville, chacune d’entre elles, chacune racontant son histoire, Notre-Dame-des-Landes... » et les mots introduisent des photos, des portraits de gens dans un transport en commun (voyez), et puis marcher, c'est tout de suite l'aventure, la Sicile, Paris
« et le temps qui lui aussi, se souvenir des lieux qu’on a côtoyés, se souvenir de ces moments où, les enfants étaient petits, on marchait dans le jardin, et les statues aussi se souviennent, on avait quarante ans, la vie devant soi, le monde nous appartient-il, est-il à nous », et lisant le journal nous le laissons s'enfuir.

déréliction
des errants – un beau texte dédié à eux
« Mais on n'a pas prévu de trottoirs pour les danseurs d'angoisse, ceux dont les apparences placides décollent comme la foudre à la moindre toux de diesel.
Et ça les jette à droite, à gauche, dans des écarts soudains que tantôt le crépis recueille, ou tantôt la chaussée. Quelquefois des cris et klaxons. »
et
un court poème d'automne avec toujours cette apparente simplicité, et cette poésie
« Automne débutant
La géométrie du mica
La sonnerie d’un portable
Pas de mesure à l’oubli »

«une dame est assise à sa table à écrire» Virginia Woolf
beaucoup aimé - un homme marche, se sent transparent, s'approche d'une femme qui écrit (et il faudrait que je vérifie si ce qu'elle écrit ne l'a pas été par une certaine Virginia) sur des feuilles qui s'envolent, qu'elle rattrape, ramène à sa table - et elle a une pierre dans sa poche – recommence à écrire, et il ne sait si elle l'a vu « Mais l’écriture a changé, c’est la mienne, je la reconnais. Le texte qui s’écrit à deux mains, n’est pas un journal, ni une lettre. C’est un texte étrange constitué de toutes les voix qui nous ont traversés, elle et moi, de tous les bruits de la ville et du vent » et sur la feuille s'inscrit le début du texte que l'on vient de lire
et
de la perte
regarder et éprouver pitié grande pour la femme qui joue dans « les vagues » d'après Virginia Woolf
« Si la dame du livre est assise, immobile, et tient le monde à distance (ce même monde qu'elle met en mouvement dans son carnet), la comédienne, elle, arrive à peine à tenir debout. Pâle, fragile, tremblante, elle avance péniblement. Ce n'est pas du trac. Cette femme est à bout de forces. »
lu en suspens, captive, dans nos sentiments de toutes nos pertes.

images du ciel
juste s'asseoir au bord des mondes – reconnaissable entre tous, un texte réflexion d'Isabelle – l'infini, le regarder au risque du vertige, le savoir positif
« Le fini est négation de l’infini.

C’est lui, qui enserre, resserre, termine, détermine, fractionne.

Le fini est négation, même si, dans la dénomination que nous lui avons inconsidérément accordée, la négation qu’essentiellement il est, ne se marque pas. »
et
un très joli texte sur nuage regardé
« Je me suis assoupi. Un peu transi, j’ouvre brusquement les yeux sur l’obscurité. Le ciel a disparu. Et, encore une fois, tu demandes s’il reviendra.
C’est comme ça. Le nuage rend le ciel sensible. »

langue
langue de la grand-mère, mise en bouche, donnée à avaler, langue de boeuf (je déteste) et la langue que l'on crée, (et la sienne est toujours goûteuse, au service de son intelligence, lui donnant chair)
« La langue de l’animal était en moi. Digérée. Combinée à ma chair. Et je commençai à créer des mots farfelus, me croyant investie d’un pouvoir. Toute ivresse pousse à l’invention. L’aventure débuta dans la bouche. Et c’était bon. Le langage était mou, était filandreux. Mon tissu à remâcher. »
et
les mots, mots faits de leur accent, de leur terroir, marqueur social, mots avec une voyelle supplémentaire, mots d'une langue « d’une zone frontière, entre angevin, poitevin et gallo »
« Marches de Bretagne ; là-bas sur les rives de l’Atlantique l’identité était forte. Une langue ancienne y survivait (c’était du moins ce qu’on voulait croire).
Val de Loire ; l’une de mes grands-mères, d’ascendance vendéenne, disait qu’on y parlait le meilleur des Français : à l’imaginaire de coulée et d’ouverture que représentait le fleuve s’associait une langue vaguement littéraire. La prétendue vraie langue était ailleurs. L’école saura prendre soin d’ancrer le cliché. »

gens dans la rue
un homme qui marche rue Sans-souci, inquiétant, affairé, raclant des pieds, et ça ne s'éclaire guère sur ce qu'il est, cet homme
« Rien qui me ferait infléchir pour un allumé, un simple d’esprit hanté par un quelconque mal d’être. Non, il y a chez cet homme qui racle et qui frotte un décalage entre son obsession à arpenter la rue et son apparence générale, son intégration dans le monde autour, dans la vie même de la rue »
(allez voir)
et
galerie Montpensier, une femme, sa voix qui dit le secret (du boeuf miroton) la suivre, la voir jeter un coup d'oeil à une vitrine, une robe
« Matière dense et noire, pour le bas, rehaussée de pois, de paillettes, surpiquée de motifs dans le style Art nouveau. Juste le temps, peut-être, de découvrir son prix, sur un bristol, discret, dans un coin du présentoir… »

Barcelone (ville de belle inspiration)
cloîtrée dans une chambre, après s'être fait tout voler dans le métro, en arrivant à Barcelone – pourquoi ai-je tant aimé ?
« La fenêtre donne sur une façade à briques rouges (c’est Londres !)
(Barcelone, on te dit).
Aux fenêtres d’en face pendent par séries des jeans et tee-shirts (Gênes !)
(Bar-ce-lo-na).
On y voit aussi ce qui s’apparente à une boîte aux lettres, accrochée dans le vide au troisième étage. Enigme du matin, du soir : elle devient poubelle ou compteur de gaz. Utile, inutile ? Un détail jaune vif.
Le soleil en haut n’éclaire qu’un pan de mur, le même à toute heure. La ligne d’horizon, cette crête d’immeubles, dessine une portée, des cordes de guitare »
et
une splendide déclaration d'amour à une ville tant aimée qu'on voudrai y mourir
« Emporté par ce vent thermique, celui qui se lève chaque jour dans l'après-midi, quand le soleil rougeoie de tous ses feux. Dans ton souffle, je remonterai la ville, de la mer vers la montagne, lentement, à mon rythme, en suspens au-dessus de tes larges avenues ou de côté dans tes fines ruelles fraîches et ombragées. »

les monstres ont-ils la nausée ?
psychose : invasion des monstres (on dit qu'ils logent dans les cimetières) – et leur manif
« Le soir même, je rédigeais un article sur eux, le premier du genre, pour le quotidien Libréaction. Deux jours plus tard, les monstres envoyaient leur seul et unique communiqué adressé à la France :
« Nous, peuple des cimetières, avons la nausée de vos vies dévoyées. Des mesures doivent être prises immédiatement pour changer votre monde. Vous avez un mois pour apporter des réponses concrètes, sinon... » »
et
Un fabricant d'hommes qui sortent de la masse, de la norme – son atelier où créer des puces à implanter afin d'annuler les comportements déviants etc..
« Tandis que je sortais sur la chaîne de montage mes puces iMonster®, au rythme d’une centaine par jour, j’étais pris parfois d’une étrange nausée : était-ce bien raisonnable de vouloir faire passer sous la toise et raboter d’autorité toute une partie de la population (les immigrés, les SDF, les chômeurs, les homos ou les lesbiennes, les parents adoptifs, les gauchistes ou les anti-G20, certains « socialistes », les anarchistes, les indignés et les écoeurés, les poètes chevelus ou les artistes chauves…) ? »

corps – force grande et beauté, à l'unisson
il faut tout lire (les autres aussi, mais là n'en dirai pas davantage) de ce texte chant qui commence par
«Il n’y a pas de great decapitation il y a seulement le regard d’un enfant posé sur la bouche ensanglantée d’un homme- Il n’y a pas de great decapitation – Il n’y a pas de mystery – Il n’ y a pas de kill the death and the death kill you – Il y a un homme – Il y a un massacre – Il n’ y a pas d’animal mort – Il y a un dictateur – Il s’appelle M. K. »
et
une photo – deux corps qui écrivent chacun sur l'autre et : «les cercles sur ton dos »
« Une simple tentative d'oubli et le désir de retourner encore, de se défaire des couches, de trouver noyau et centre sous l'écorce, la surface.Les tatouages éphémères commencent à brûler un peu la peau, sous les paupières tes yeux se retiennent de couler »

Istambul
comme toujours, grand et superbe voyage dans Istambul, cette fois les quartiers kurdes, avec un vendeur de moules farcies au riz épicé à l'oignon – et c'est si foisonnant, vivant, dans la réalité et les mots que vous laisse déguster texte et photos en situation
« et il y a encore les ateliers de confection avec dedans les hommes derrière les machines à coudre, aiguilles métalliques toujours frappant le jean derrière les barreaux du premier étage — porte métallique en plus pour éviter les vols, il y a, curieux leur visage apeuré toujours, ces clandestins africains à qui les passeurs réussirent à faire croire qu’on ralliait l’Europe en métro depuis ici, et tous ces putains d’orpailleurs de la pauvreté, bien trop nombreux, qui bossent tout noir dans les caves toutes noires, marginaux, illégaux, immigrés de l’intérieur qu’ils sont, et toi avec, ronde kurde, falbalas, idiotisme et chansons ! » et, comme ça, dans le fil du texte, l'histoire et la sociologie passent, discrètes.
et
écouter un loukoum, un loukoum à se pâmer, vendu sur le marché turc de Berlin et l'histoire de celui qui l'a fait, venu retrouver Beyhan, son amour, dont le père a émigré à Berlin, jeune femme indépendante, journaliste et fille mère, mais qui ne saurait résister aux loukoums (récit savoureux)
« Loin du chaudron stambouliote, me voici maintenant au marché de Maybachufer à fondre dans la bouche de Beyhan. Sa salive ne m’ayant pas encore complètement liquéfié, je suis fier d’entendre le gémissement de plaisir que je procure à la jeune femme. Je ne saurai expliquer pourquoi, des millions de loukoums sortant chaque année de la confiserie, je suis le seul à jouir d’une conscience. Je suis pourtant constitué des mêmes ingrédients que mes congénères : du sucre, de l’amidon et de l’eau de rose. Cela fait plus de cinq siècles que nous devons faire plaisir à ces dames et personne ne semble avoir souvenir d’un loukoum intelligent »

le temps de vivre
regarder par la fenêtre la montagne qui s'efface, retrouver les souvenirs d'enfance, de vacances familiales
« lune au coin des bois. remonte le temps. glisse vers d’autres nuits où le conte avait la part belle. autre été. des histoires de loups dans les bois, de cabanes au Canada, d’horizons toujours à jamais méconnus. on connaît déjà à peine son quartier. », et c'est un délicieux voyage
et
retrouver un texte abandonné et chercher à retrouver le fil, retourner à un endroit que l'on voulait photographier et chercher l'angle, la lumière, qui vous avaient frappé.
« Avec le temps qui est passé depuis la première fois, au fond ce n’est plus la photo qui importe, on s’en rend compte en la prenant sous plusieurs angles avec empressement, c’est tout notre cheminement (et toutes les photos du parcours en attestent), tout le temps passé à ne pas prendre cette photo qui, aujourd’hui, nous permettent de la prendre enfin, en creux »

les chiens et les hommes
« Son regard accuse l’homme comme un amant répudié, trahi. Il l’accuse d’avoir de tout temps déjà trahi, même aux beaux jours de confiance ; d’avoir aimé vivre l’anticipation obscure, libidinale, de cette trahison. »
tout y passe, et c'est souvent régal, toujours légèrement ironique, mais pas que, comme toujours avec l'ironie.
« Visite au voisin. Le chien regarde la télévision avec la même acuité que moi. Nous sortons pour une ballade. »
et
Jean-Baptiste Monat http://julienpauthe.tumblr.com/
« sucreries » - court texte tendance rage, en belle écriture ferme
« l’artiste meurt de rugosité du réel rural asphyxiante et sa mère vient le chercher en chouinant qu’il n’a rien fait de mal mais c’est toujours de cela qu’on meurt arrête de faire l’étonnée et va ranger ton foutoir de vieux monde riche intelligent aimable et bon qui part en sucettes pour tueurs de douze ans »

l'étrangère
l'enfant étrangère à sa famille, étrangère à son sang, le refus (par lequel nous passons, sommes passés, mais avec là une grande force)
« Sinon comment vivre avec cette étrangère que je suis, comment survivre dans le corps d’une autre, celle que je ne veux pas être. Je n’en veux pas de cette partie de moi, je ne suis pas libre tant qu’ils sont là en moi. Je sens leurs gènes s’infiltrer et respirer en dedans, ils m’envahissent. »
et
« l'étrangère » d'Aragon, chantée par Montant mais sur la musique de Ferré, la chanson préférée du père, et l'étonnement du fils devant ses contradictions d'homme de droite
« L'Étrangère était restée pour moi, jusqu'à ces jours-ci, seulement associée au souvenir du Père et de ses contradictions. Une belle chanson, rien de plus. »
mais ces temps ci revient
« L'impression que c'est le fantôme du Vieux, qui essaie de me dire quelque chose. Mais quoi ? »

déconstruire le monde qu'on nous fait
entre marbre et palabres : la frénésie de panneaux où s'affichent des informations, comme dans les aéroports – ce qui motive leur emplacement, leurs contenus etc... et les nouveaux qui remplacent les appels et messages sonores
« Et du côté des passagers, l’intrusion d’un écran n’empêche en rien le commerce des humains, il favorise parfois les échanges et encourage l’explicitation des modes de coordination pour agir. Ni l’écrit, ni l’oral ne sont intrinsèquement dotés d’une force ou d’une faiblesse. C’est au contraire leur coexistence et leurs formes d’articulation qui font leur résistance. Un écran de plus, un écran de moins : la réflexion suscitée par ce panneau d’affichage aura peut-être permis de dissiper cet autre écran de fumée particulièrement dense et tenace. » hum, suis pas tout à fait persuadée, mais suis un dinosaure femelle
et
délation
L'éducation des forces de l'ordre devenue « éducation des citoyens, que l’on souhaiterait missionner en “observateurs” de l’insécurité quotidienne. »
note salubre démontant le jargon gouvernemental, avec sagesse, pertinence, et ironie
« Le citoyen est ainsi invité à se placer dans une “posture d’observateur” qui doit notamment “conduire les habitants d’un quartier à détecter les situations inhabituelles (présence d’un véhicule suspect…)”. L’auteur du graffiti n’a visiblement pas attendu les recommandations du Livre blanc pour s’atteler à la tâche. L’impatience est aussi maîtresse des vertus quand il s’agit de sécurité. »

être sérieux avec fantaisie
suis snob et j'écris à la plume
« N’en déplaise aux tenants de la tradition on peut véritablement écriter sur tout, et accéder par là à un niveau de conscience supérieur, par la formation de beaux oeufs bien frais, bien calibrés, qui prolongent l’espèce et lui permettent d’entrer véritablement en sympathie avec le monde, et d’élever singulièrement son niveau intellectuel, par rapport aux paons, aux serins. »
et
jolie et courte déploration de la raideur des villes
« Mais que sont devenues les courbes d’antan ? Me manquent, les places généreuses, les sens giratoires à vous faire perdre le nord, les bistrots... »

avec Franck, en prison, une grille
« Franck s'est rendu compte aussi, il a ri deux fois
encore après on a eu plus de mal, parce que Franck voulait d'abord mettre les mots, moi je voulais mettre des cases d'abord, bien réparties sur la grille, un peu comme les pâtes alphabet dans la soupe aux carottes
mais le problème de Franck c'est l'orthographe »
et
arpenter Berlin, passe temps de psychotique, sur le modèle de l' « autoportrait du descendeur « de Paul Fournel que j'avoue ne pas avoir lu (y remédier)
« Au cours d'un séjour de psychotique à Berlin, on ne peut inventer qu'une manière de se ménager des moments de repos pour allumer sa pipe et une seule : traverser avant les autres qui attendent le feu rouge pour les autos. » - j'aime et la promenade est riche.

et pour finir, autour, plus ou moins, du brise-lame de Sète
Juliette Mezenc, ci-dessous, donne à « Paumée » un passage du journal du brise-lame – en retrait devant elle... explorer, faire des plans, et puis :
« Une fille s’approche et dessine sur ta paupière : un œil. Tu peux voir la totalité de l’œil, y compris l’arrière, comme sur une planche d’anatomie. On dirait la terre, bleue, le dessin est parfait, et d’une précision ! »
et
Brigetoun un rien intimidée, sur « mots maquis », http://www.motmaquis.net/spip.php?article126
s'était souvenue du journal du brise-lame, ne pouvait y intervenir, a rêvé d'un brise lame, de l'assaut de la mer, ou
« grand beau calme, frissonnement argenté de la surface de la mer, qui s'étend, infinie – ce désir du large qui creuse le corps, l'idée de l'autre rive, ce besoin, sans pensée, être dans l'amour de la mer, »

P.S.
et puis, même si ce n'est pas un vrai échange, mais parce qu'elle l'a mis sous l'enseigne « vases communicants » et me l'a signalé (l'aurais vu de toute façon) : Elisabeth Legros-Chapuis a écrit sur le blog de Bertrand Redonnet, qui l'avait invitée, un billet en réaction à la crise grecque http://2009sediments.wordpress.com/2011/11/04/vases-communicants-aussi/
(la photo est d'elle) : vous laisse le lire et vous faire opinion, certaine que vous tomberez d'accord avec
« Et pourtant, pourtant, il existe encore, à côté et malgré tout cela, la Grèce éternelle, la nature dans une splendeur unique, parfois abîmée (oh, les immeubles en chantier abandonnés dans les villages, avec des ferrailles rouillées émergeant des piliers de béton…) mais souvent encore presque intacte... »
P.S.bis

Et puis au moment où j'allais partir au théâtre, est arrivé un échange dont l'éventualité avait été annoncée, échange d'une sobriété et rigueur absolue





sur l'absence de signe (que vous pouvez constater ci-dessus et sur leurs sites)

11 commentaires:

florence a dit…

Merci! Brigitte pour cette revue impressionnante, d'une liste impressionnante. Je me guiderai de votre regard pour aller nourrir mes lecture cette semaine. Déjà je pressens quelques découvertes magiques dans le coeur de la langue.

Lautreje a dit…

Merci à toi pour cette généreuse récolte ! je reviendrai déguster dès que mon salon sera fini.

Pierre R. Chantelois a dit…

Récolte riche et de plus en plus garnie en ces temps où les mots perdent beaucoup de leur sens car on les dresse les uns contre les autres pour alimenter des guerres futiles. De mes lectures de ces quelques vases, chez Lafilledesastres's Weblog, un texte puissant mais bref d'Ana Nb.

Michel Benoit a dit…

Impressionnant, oui...

JEA a dit…

Hommage à la secrétaire perpétu-elle...

Muse a dit…

les temps de pluie sont donc propices à la lecture...même si j'ai encore pas mal de boulot dans le rangement. J'ai déniché un club de poésie: les troubadours du Gévaudan qui tient séance les derniers mardis du mois...à suivre

Brigetoun a dit…

avec un nom pareil ...

Anonyme a dit…

merci Brigitte
PCH

Gérard Méry a dit…

Brigetoun un rien intimidée ? pas pour écrire en tout cas ! ! ! !

jeandler a dit…

Impressionnante la revue commentée!
Heureusement pour faire oublier la pluie... Un bien beau moment

joye a dit…

Waouh, je suis fatiguée rien qu'à lire tes comptes rendus, waouh !

Et super troublée par le monsieur qui lit le International Herald Tribune.

Si j'avais les moyens de revenir en France, je ne gaspillerais mon temps à lire en anglais ! Pouah !

;o)

J'espère que le concert a été bon !