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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, juillet 18, 2012

Un mardi de festival : marcher – regarder – expos Sophie Calle, Tim Etchells et Hugo Glendinning – Castelluci, arrêter là et billet interminable


Réveil flottant, à sept heures, regarder ciel et lumière en frange sur le mur, se persuader.

Partie avec une robe, deux pantalons et des draps chez le teinturier, en repartir avec un pantalon et des draps.... continuer, parce que j'avais découvert, sur le site du festival, l'existence d'une petite exposition, dont je n'entends pas parler,

tout près, à la maison des vins,  

empty stages : «Le metteur en scène Tim Etchells et le photographe Hugo Glendinning ont rêvé devant toutes sortes de scènes vides, mus par une fascination pour cet espace vierge, double théâtral de la page blanche.»

L'idée m'avait séduite – c'est en fait assez fascinant, une salle avec une série de photos frontales de scènes abandonnées parfois sans doute définitivement, théâtre en presque ruine, tagué, ou provisoirement, salles de fête, estrade dans un coin de cabaret, podium sur une plage, ou devant de l'herbe... (j'y ai envoyé un couple qui se demandait si on pouvait visiter l'hôtel, ce qui n'est pas le cas sauf cette salle, que l'on a à soi)
et comme j'ai pris des photos atroces, je préfère emprunter au site du festival cette vidéo.

J'avais fait l'impasse sur l'exposition de Sophie Calle, Rachel, Monique, parce que chaque année l'attente pour pénétrer enfin dans l'exposition phare aux Célestins est dissuasive, ai tenté pourtant, constaté que cinq minutes avant l'ouverture quatre personnes, seulement, attendaient, et me suis jointe à eux.

«Elle s’est appelée successivement Rachel, Monique, Szyndler, Calle, Pagliero, Gonthier, Sindler.
Ma mère aimait qu’on parle d’elle. Sa vie n’apparaît pas dans mon travail. Ça l’agaçait.
Quand j’ai posé ma caméra au pied du lit dans lequel elle agonisait, parce que je craignais qu’elle n’expire en mon absence, alors que je voulais être là, entendre son dernier mot, elle s’est exclamée : «Enfin».» dit Sophie Cale dans le petit programme...

oeuvres d'autres artistes en liaison avec le souvenir, vidéo des derniers instants, photos, petits ex-voto, cahier, livre des photos de la pré-exposition, des hommages sans rien de gênant, témoignage de la permanence, qu'on le veuille ou non, de ce lien mère fille

longue déambulation brigtounienne, pour le plaisir aussi de cette église que j'aime pour son mélange d'époques, tout ce que, heureusement, la récente restauration a gardé de ses nombreuses blessures

et trop de photos, que je garde tant pis, bonnes ou non, pour garder trace pour moi, comme des petites pierres (un souffle le masque avec doigt sur la bouche est de Serena Carone)
Sophie Calle lit en principe, ou a lu, les carnets de sa mère mais à des horaires variables et là nous étions seuls

retour rapide, cuisine, déjeuner, entreprendre de mettre de l'ordre dans les photos puisque n'ai plus les dossiers d'iPhoto (me suis bornée au mois en cours)....

et départ dans mistral qui se prenait presque pour un grand, les épaules sous la chaleur du soleil, vers le gymnase du Lycée Aubanel, nouée par appréhension idiote et superstitieuse (deux ou trois malaises, là, dont un dur), juste ce qu'il fallait pour m'asseoir quelques minutes sur un trottoir et arriver prête à renoncer (suis pas nerveuse...)

et finalement, comme j'avais anticipé, l'attente, et la longue montée chaotique, sans piapias pour oublier (ça tombait mal j'avais pour voisins Jean-Michel Ribes et autres, et me suis bornée à éviter de me trouver prise dans les gestes le saluant), n'a plus été qu'interrogation muette sur ce que nous allions voir,

ai joué, sans honte, de mon âge, exagéré une fatigue imaginaire, et obtenu de passer sous une barrière et de contourner les gradins pour m'installer au premier rang, près de la sortie

ai été un peu inquiète en recevant, avec le petit programme, des boules quies, mais les ai trouvées jolies, et en fait m'en suis servie pendant le préambule, dans le noir, avec des lettres lumineuses racontant les trous noirs, et les bruits de pulsation inouïe parcourus de stridences.
Le programme annonce d'entrée Le spectacle – dont le titre est une allusion au refus de Rothko de satisfaire une commande – dit la solitude de l’artiste comme geste de rupture du contrat social. Comme en une révolte inversée, il construit et pactise avec un système complexe de symboles pour ensuite l’abattre. Ce qui reste de cette opération, c’est une représentation qui apparaît en tant que telle. Derrière, il n’y a rien, comme dans l’éclatement dodécaphonique d’un trou noir, dans lequel la matière s’incurve sous son propre poids et se nie elle-même. Le spectacle est composé d’une suite de subordonnées qui, avançant depuis leur point immobile, révèlent, dans l’arc d’une courbe sans retour, la destruction progressive de l’image. Ce que nous sommes en train de voir est le sillage lumineux de l’objet qui prend congé de notre regard.
Et, bien entendu, ce que nous voyons, qui est d'une beauté inouïe, n'a aucun rapport avec Rothko et cette commande, et montre – je suis là très schématique, j'ai rempli, mais ça restera éventuellement pour moi, toute la fin de mon petit carnet, de notes que je garderai et tenterai de déchiffrer,... - des jeunes filles, dans un pensionnat, qui entrent en scène et se coupent le bout de la langue, minuscules bouts de chair que deux chiens viennent dévorer, avant de repartir déçus par ce très maigre régal - puis elles répètent, dans ce qui ressemble à une lumineuse salle de sport (un merveilleux accord des gris clairs, bleus doux, beiges, blondeur du bois) avec l'esthétisme des tableaux vivants, la recherche et la mort d'Empédocle, et le rôle passe de l'une à l'autre - l'important pour moi étant cet état de tension heureuse, la réception des images, des sons, les différences entre les différentes jeunes femmes, la fermeté, fragilité, beauté de ces corps juvéniles, l'amitié tendre, la façon dont elles débordent des règles de la représentation tout en les respectant, la répétition des vers, très beaux, jusqu'à s'annuler (en retrouvant le thème), et puis les images.. ce moment avant la fin où le grand rideau bleu recule en découvrant un corps, avance et le recouvre, comme le ferait la mer, puis recommence avec le cadavre d'un cheval. 

Et la fin, l'ouverture du rideau après une retour allusif aux trous noirs, sur une immense bocal de toute la taille de la scène, avec une grande tête à gauche, le jaillissement, en tumulte de l'eau, ces tourbillons de courants dans le tourbillon de la lumière et des ombres, la musique de tempête où s'insinue peu à peu l'opéra... et voilà que j'ai dit trop, longuement, sans tenter une interprétation, à laquelle d'ailleurs je me refuse.
Voir un spectacle comme celui là, c'est comme lire un poème que je ne peux paraphraser.

Retour, en renonçant aux deux ou trois idées de spectacle que j'avais notées.
Arroser, éplucher pommes de terre, et en descendant l'escalier avec le sac poubelle, voir une enveloppe jaune glisser sous la porte, la prendre avec la certitude d'en être le destinataire

ouvrir et tomber sur une lectrice et son ami, qui devaient avoir entendu du bruit... perplexité et reconnaissance de ma part. Mots échangés, sac poubelle en main. Et c'était deux cartes écrites par une dont j'aime le blog, et de petites fleurs. (http://etsansciel.eklablog.com/). J'ai beaucoup de chance.
Et puis se dire : faire un billet pas trop long et avoir envie de musique, rater le point un, rater également le point deux en écoutant l'atelier de création radiophonique sur France Culture. Finalement, avoir faim et sommeil.

10 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

Effets de surprises devant ces « empty stages ». Détour inhabituel devant une « girafe au cœur d'une église ». Intrigues évidentes devant cette une « suite de subordonnées et ce sillage lumineux de l’objet qui prend congé de notre regard ». Une belle conclusion sur un ratage « de faire un billet pas trop long et avoir envie de musique »

JEA a dit…

merci pour ce super-be reportage photo sur les "empty stages"...

la Mère Castor a dit…

superbe. Je ne verrai pas le Castellucci cette année, merci d'avoir si bien parlé de son sens aigu de la beauté.

jeandler a dit…

Les images comme petits cailloux semés le long du chemin faisant
Paumée les rassemblant, le journée bien remplie.

versus a dit…

Un grand merci brigetoun pour votre récit life dAvignon et surtout de la pièce de Castellucci.
Plus possible d'avoir un billet, je suppose?
Bien à vous.

arlette a dit…

J'aime beaucoup les scènes vides et oubliées
Très beau billet que tu nous offres là Mais quelle énergie!! Jeune fille
Suis en trop grand calme à la campagne
mille et un merci

Fardoise a dit…

Mots glissés sous la porte, tu as beaucoup de chance en effet, mais sans doute sais tu semer les bonnes graines.

Gérard Méry a dit…

La vidéo a des soubreseauts mais on y arrive à voir un peu l'expo

Brigetoun a dit…

désolée, j'avoue je leur faisais confiance, pas essayé plus que le tout début

Unknown a dit…

ah quelle journée de l'art riche!jétais la chère Brigitte. encore merci!
oui j'ai profité de la longue déambulation Britounienne.(Jaime cette phrase)Quelle magnifique variété ici dans cette poste.
Oui j'ai aimé les estrades vide.c'est comme le temps est suspendu, pas de passé ni de l'avenir encore.

haha, tu as invité une fatigue imaginaire pour t'installer tout de suite au premier rang.tu vois c'est ta pièce Brigitte, ton improvisation haha.

quelle magnifique description de le spectacle c'est unltramoderne!oui ou tout dissout et il ne reste rien sauf l'émotion comme dans les tableaux abstraits de Mark Rothko
et tout dissout dans la mer de la vie trouvé dans un bocal.

belle continuation très chère Brigitte, tu le déserves et moi aussi je déserve ta belle continuation magique. haha.

je t'embrasse. a bientot.
Madeleine