Réveil flottant, à sept
heures, regarder ciel et lumière en frange sur le mur, se persuader.
Partie avec une robe, deux
pantalons et des draps chez le teinturier, en repartir avec un
pantalon et des draps.... continuer, parce que j'avais découvert,
sur le site du festival, l'existence d'une petite exposition, dont je
n'entends pas parler,
tout près, à la maison
des vins,
empty stages :
«Le metteur en scène Tim Etchells et le photographe Hugo
Glendinning ont rêvé devant toutes sortes de scènes vides, mus par
une fascination pour cet espace vierge, double théâtral de la page
blanche.»
L'idée m'avait séduite
– c'est en fait assez fascinant, une salle avec une série de
photos frontales de scènes abandonnées parfois sans doute
définitivement, théâtre en presque ruine, tagué, ou
provisoirement, salles de fête, estrade dans un coin de cabaret,
podium sur une plage, ou devant de l'herbe... (j'y ai envoyé un
couple qui se demandait si on pouvait visiter l'hôtel, ce qui n'est
pas le cas sauf cette salle, que l'on a à soi)
et comme j'ai pris des
photos atroces, je préfère emprunter au site du festival cette
vidéo.
J'avais fait l'impasse sur
l'exposition de Sophie Calle, Rachel, Monique, parce que
chaque année l'attente pour pénétrer enfin dans l'exposition phare
aux Célestins est dissuasive, ai tenté pourtant, constaté que cinq
minutes avant l'ouverture quatre personnes, seulement, attendaient,
et me suis jointe à eux.
«Elle s’est appelée
successivement Rachel, Monique, Szyndler, Calle, Pagliero, Gonthier,
Sindler.
Ma mère aimait qu’on
parle d’elle. Sa vie n’apparaît pas dans mon travail. Ça
l’agaçait.
Quand j’ai posé ma
caméra au pied du lit dans lequel elle agonisait, parce que je
craignais qu’elle n’expire en mon absence, alors que je voulais
être là, entendre son dernier mot, elle s’est exclamée :
«Enfin».» dit Sophie Cale dans le petit programme...
oeuvres d'autres artistes
en liaison avec le souvenir, vidéo des derniers instants, photos,
petits ex-voto, cahier, livre des photos de la pré-exposition, des
hommages sans rien de gênant, témoignage de la permanence, qu'on le
veuille ou non, de ce lien mère fille
longue déambulation
brigtounienne, pour le plaisir aussi de cette église que j'aime pour
son mélange d'époques, tout ce que, heureusement, la récente
restauration a gardé de ses nombreuses blessures
et trop de photos, que je
garde tant pis, bonnes ou non, pour garder trace pour moi, comme des
petites pierres (un souffle le masque avec doigt sur la
bouche est de Serena Carone)
Sophie Calle lit en
principe, ou a lu, les carnets de sa mère mais à des horaires
variables et là nous étions seuls
retour rapide, cuisine,
déjeuner, entreprendre de mettre de l'ordre dans les photos puisque
n'ai plus les dossiers d'iPhoto (me suis bornée au mois en
cours)....
et départ dans mistral
qui se prenait presque pour un grand, les épaules sous la chaleur du
soleil, vers le gymnase du Lycée Aubanel, nouée par appréhension
idiote et superstitieuse (deux ou trois malaises, là, dont un dur),
juste ce qu'il fallait pour m'asseoir quelques minutes sur un
trottoir et arriver prête à renoncer (suis pas nerveuse...)
et finalement, comme
j'avais anticipé, l'attente, et la longue montée chaotique, sans
piapias pour oublier (ça tombait mal j'avais pour voisins
Jean-Michel Ribes et autres, et me suis bornée à éviter de me
trouver prise dans les gestes le saluant), n'a plus été
qu'interrogation muette sur ce que nous allions voir,
ai joué, sans honte, de mon
âge, exagéré une fatigue imaginaire, et obtenu de passer sous une
barrière et de contourner les gradins pour m'installer au premier
rang, près de la sortie
ai été un peu inquiète
en recevant, avec le petit programme, des boules quies, mais les ai
trouvées jolies, et en fait m'en suis servie pendant le préambule,
dans le noir, avec des lettres lumineuses racontant les trous noirs,
et les bruits de pulsation inouïe parcourus de stridences.
Le programme annonce
d'entrée Le spectacle – dont le titre est une allusion au refus
de Rothko de satisfaire une commande – dit la solitude de l’artiste
comme geste de rupture du contrat social. Comme en une révolte
inversée, il construit et pactise avec un système complexe de
symboles pour ensuite l’abattre. Ce qui reste de cette opération,
c’est une représentation qui apparaît en tant que telle.
Derrière, il n’y a rien, comme dans l’éclatement dodécaphonique
d’un trou noir, dans lequel la matière s’incurve sous son propre
poids et se nie elle-même. Le spectacle est composé d’une suite
de subordonnées qui, avançant depuis leur point immobile, révèlent,
dans l’arc d’une courbe sans retour, la destruction progressive
de l’image. Ce que nous sommes en train de voir est le sillage
lumineux de l’objet qui prend congé de notre regard.
Et, bien entendu, ce que nous voyons, qui est d'une beauté inouïe, n'a
aucun rapport avec Rothko et cette commande, et montre – je suis là
très schématique, j'ai rempli, mais ça restera éventuellement pour moi, toute la fin de mon petit carnet, de
notes que je garderai et tenterai de déchiffrer,... - des jeunes
filles, dans un pensionnat, qui entrent en scène et se coupent le
bout de la langue, minuscules bouts de chair que deux chiens viennent dévorer, avant de
repartir déçus par ce très maigre régal - puis elles répètent, dans ce
qui ressemble à une lumineuse salle de sport (un merveilleux accord
des gris clairs, bleus doux, beiges, blondeur du bois) avec l'esthétisme des
tableaux vivants, la recherche et la mort d'Empédocle, et le rôle
passe de l'une à l'autre - l'important pour moi étant cet état de
tension heureuse, la réception des images, des sons, les différences
entre les différentes jeunes femmes, la fermeté, fragilité, beauté
de ces corps juvéniles, l'amitié tendre, la façon dont elles
débordent des règles de la représentation tout en les respectant,
la répétition des vers, très beaux, jusqu'à s'annuler (en retrouvant le thème), et
puis les images.. ce moment avant la fin où le grand rideau bleu
recule en découvrant un corps, avance et le recouvre, comme le
ferait la mer, puis recommence avec le cadavre d'un cheval.
Et la
fin, l'ouverture du rideau après une retour allusif aux trous noirs,
sur une immense bocal de toute la taille de la scène, avec une
grande tête à gauche, le jaillissement, en tumulte de l'eau, ces
tourbillons de courants dans le tourbillon de la lumière et des
ombres, la musique de tempête où s'insinue peu à peu l'opéra...
et voilà que j'ai dit trop, longuement, sans tenter une
interprétation, à laquelle d'ailleurs je me refuse.
Voir
un spectacle comme celui là, c'est comme lire un poème que je ne
peux paraphraser.
Retour, en renonçant aux
deux ou trois idées de spectacle que j'avais notées.
Arroser, éplucher pommes
de terre, et en descendant l'escalier avec le sac poubelle, voir une
enveloppe jaune glisser sous la porte, la prendre avec la certitude
d'en être le destinataire
ouvrir et tomber sur une
lectrice et son ami, qui devaient avoir entendu du bruit...
perplexité et reconnaissance de ma part. Mots échangés, sac
poubelle en main. Et c'était deux cartes écrites par une dont
j'aime le blog, et de petites fleurs. (http://etsansciel.eklablog.com/). J'ai beaucoup de chance.
Et puis se dire : faire
un billet pas trop long et avoir envie de musique, rater le point
un, rater également le point deux en écoutant l'atelier de création
radiophonique sur France Culture. Finalement, avoir faim et sommeil.
10 commentaires:
Effets de surprises devant ces « empty stages ». Détour inhabituel devant une « girafe au cœur d'une église ». Intrigues évidentes devant cette une « suite de subordonnées et ce sillage lumineux de l’objet qui prend congé de notre regard ». Une belle conclusion sur un ratage « de faire un billet pas trop long et avoir envie de musique »
merci pour ce super-be reportage photo sur les "empty stages"...
superbe. Je ne verrai pas le Castellucci cette année, merci d'avoir si bien parlé de son sens aigu de la beauté.
Les images comme petits cailloux semés le long du chemin faisant
Paumée les rassemblant, le journée bien remplie.
Un grand merci brigetoun pour votre récit life dAvignon et surtout de la pièce de Castellucci.
Plus possible d'avoir un billet, je suppose?
Bien à vous.
J'aime beaucoup les scènes vides et oubliées
Très beau billet que tu nous offres là Mais quelle énergie!! Jeune fille
Suis en trop grand calme à la campagne
mille et un merci
Mots glissés sous la porte, tu as beaucoup de chance en effet, mais sans doute sais tu semer les bonnes graines.
La vidéo a des soubreseauts mais on y arrive à voir un peu l'expo
désolée, j'avoue je leur faisais confiance, pas essayé plus que le tout début
ah quelle journée de l'art riche!jétais la chère Brigitte. encore merci!
oui j'ai profité de la longue déambulation Britounienne.(Jaime cette phrase)Quelle magnifique variété ici dans cette poste.
Oui j'ai aimé les estrades vide.c'est comme le temps est suspendu, pas de passé ni de l'avenir encore.
haha, tu as invité une fatigue imaginaire pour t'installer tout de suite au premier rang.tu vois c'est ta pièce Brigitte, ton improvisation haha.
quelle magnifique description de le spectacle c'est unltramoderne!oui ou tout dissout et il ne reste rien sauf l'émotion comme dans les tableaux abstraits de Mark Rothko
et tout dissout dans la mer de la vie trouvé dans un bocal.
belle continuation très chère Brigitte, tu le déserves et moi aussi je déserve ta belle continuation magique. haha.
je t'embrasse. a bientot.
Madeleine
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