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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, décembre 11, 2012

Vous étiez prévenus (moi aussi d'ailleurs)


Un lundi sous un ciel de lumière douce et splendide, qui m'a propulsée dans les rues du quartier pour médicaments, cigares, et croûtons, et moins sérieusement, dans la liesse de l'air à peine piquant, deux nouveaux santons des oncles Fontanille à ajouter aux deux autres, trop chers (pourtant j'en ai négligé un, qui me séduisait, mais dépassait les moyens de ma pire folie insouciante) choisis l'autre jour chez leur nièce Isoline – et qui, après cet exploit, s'est déroulé dans un état de tranquille somnolence contre laquelle ai lutté pour vaquer un peu comme pouvais, et reprendre mes photos et souvenirs comme l'ai pu (avec aussi des retours au catalogue, que je reprends souvent, sans complexes, quand me sert, à travers le texte d'Eric Mézil, en italique) :

après l'arrêt rituel sur le palier aux miroirs (je ne sais plus quel en est l'auteur) et le moment de narcissisme/cache-cache avec lumière fusant pour nier ma gueule que ne saurais supporter,

descendre une volée d'escalier, face à Rania de Jordanie, grande aquarelle très noire de Yan Pei-Ming

avant de trouver, dans les petits passages suivants, son époux (couple peut-être en sursis)

et le couple syrien, dont la chute est programmée, dans la réalité ou, à tout le moins, dans nombre d'espoirs

et puis, dans un coin, sans recul, tomber sur un qui a chu (intitulé last gasp), visages en cours de désintégration.. entre la vie et la mort, entre la lumière et l'ombre, et les lèvres de Kadhafi sont rougies par un dernier souffle.

À côté s'ouvre la protestation sans tapage, douce et implacable, des femmes avec la beauté qu'offre Shirin Neshat, iranienne réfugiée aux États Unis, qui montre ces femmes voilées tout à leurs rêves de liberté, ces femmes endeuillées si proches des antiques pleureuses qu'Iphigénie invoquait pour en appeler à la justice des Hommes et non à celle des dieux colériques... Par ses photographies et ses films elle montre un univers uniquement féminin : des femmes vêtues de noir... 

avec, impossible à photographier, une grande salle (et comme je n'avais sur plusieurs photos qu'une mauvaise évocation du dispositif, j'ai tenté de rephotographier les captations, un peu floues, du catalogue) où on est pris, dans le noir, entre quatre grandes vidéos sur lesquelles on voit (en décalé) une femme au voile noir ondulant au rythme de sa marche précipitée, monter des escaliers, se glisser derrière des colonnes bordant une rue, parcourir des espaces déserts ou longer des groupes d'hommes indifférents – c'est vaguement oppressant, très esthétique aussi.. et cette négation noire est en fait toute puissante, tranche, s'affirme..

vêtues de noir ont les mains ou le visage couverts de messages de paix

Dans la grande pièce blanche et aveugle du premier étage de l'aile latérale où nous sommes descendus, sont accrochées, prêtées par une galerie libanaise et une de Hambourg, les photos de Walid Raad pour I Think It Would Be Better If I Could Weep

qui parlent avec pudeur et sans éclat d'une mémoire d'un passé récent et encore si prégnant qui vit l'irrémédiable destruction de la ville de Beyrouth par les bombes et les obus et les combats de rue, écho (qui se reproduit d'ailleurs) de ce qui est maintenant l'actualité de la Syrie voisine, et jamais tout à fait étrangère, les politiques des différents états de la région, surtout peut-être dans ce cas, interférant.

et puis, au bas du petit escalier aux miroirs noirs, contre la grande vitrine sur la rue, sur une longue table, belles comme de gros éléments de parures et jouant sur les deux sens du mot, les grenades en cristal de Mona Hatoun.

Continuant à oublier ou négliger des oeuvres, et parfois ce fut en effet passage rapide presque sans voir, mon attention faiblissant) ne pouvais manquer, ils sont grands et s'imposent, le long du mur face à la cour, l'alignement des hauts panneaux de Djamel Tatah, la rangée de hittistes algériens, ces hommes jeunes et beaux qui, dépourvus de travail et d'avenir, traînent dehors jusqu'au coucher du soleil, tiennent les murs avec leurs dos.

Pour sortir de la salle, le long du petit plan incliné en bois vers le rez-de chaussée du bâtiment principal, la participation d'Adel Abdessemed qui a choisi une esquisse de ses trois christs.. réalisés en barbelé qui reprennent l'expression du Christ peint par Grünewald pour le retable d'Issenheim...

Puis il sélectionna la maquette et la vidéo jamais présentée en France d'un chemin de croix réalisé dans la villa Médicis, avec pour toile de fond les toits et la coupole du Vatican. projetée à côté d'études d'Ingres pour Jésus parmi les docteurs têtes enturbannées qui introduisent à la salle noire, sas vers les salles sur le boulevard, 

où est projetée (et ne suis pas restée aussi longtemps que l'aurais voulu, mais la lassitude venait) les Croisades vues par les Arabes de Waël Shawky, égyptien, reprenant le texte d'Amin Malouf avec des marionnettes tirées par des fils (ai pensé à celles de Sicile) dans des décors de carton – ces scènes sont autant de mises à distance face aux effroyables massacres perpétués au nom de Dieu par les croisés.. et les luttes avec l'intervention de la secte des Assassins. (plaisir des très longs passages du texte d'Amin Malouf repris dans le catalogue)

Boudiou, j'exagère... bon vais accélérer, d'ailleurs parmi les oeuvres j'en ai négligé, certainement à tort, un bon nombre.. je me souviens d'autres que j'ai trouvé marquantes mais dont n'ai pas gardé trace, et puis il doit y avoir des limites à mon verbiage, alors je me borne à ce que j'ai photographié, hors de surveillance (absence parfois gentiment complice me semble-t-il), dans les salles sur le boulevard, avec Moataz Nasr et 18 Days, 2011 installation à partir de tracts, panneaux etc... récoltés place Tahir

Paul-Armand Gette et son loukoum rose d'Aziyadé 

le mur couvert, comme un tapis, des gouaches d'Emir El Qiz costumes d'apparat de la première délégation ottomane dans la Cité Papale et leur joli sourire

et puis, dans la petite salle, avant de sortir par la librairie et en me frayant un passage à travers le cocktail qui avait envahi le hall, à côté de Black board Cyprus de Michal Royner, stèle très fine de pierres, verticales de tons plus ou moins foncés, entre lesquelles cheminent les toutes petites silhouettes noires d'une vidéo, il y a, pour clore, pour tenter de faire liaison, le bateau, la barque d'Adel Abdessemed drawing for hope

qui répond aux Combas accrochés dans le grand escalier que l'on monte en arrivant et à son Ahmed (travailleur immigré) entreprend son patron sérieusement (souhait peut être un peu excessivement fort...)
Voilà, voilà... me reste à retourner, très éventuellement voir ce que j'ai loupé, et plus certainement, car désir j'en ai vraiment, aux Célestins pour lesquels Douglas Gordon et Adel Abdessemed ont conçu des vidéos.