voir que la pluie a cassé
une tige du rosier rachitique, celui qui n'arrive pas à ouvrir ses roses,
prendre du scotch, lui dire des mots doux, on ne sait jamais..
et puis partir, toute
vêtue de vert, yeux sur les passages de nuage, pour faire les
quelques pas me séparant de Saint Agricol, à temps pour avoir une
place, pour le concert-lecture à partir de la nuit spirituelle de
Lydie Dattas
attendre sagement dans
l'église, choisir une des meilleures places,...
et écouter, en luttant un
peu contre des poussées d'assoupissement qui n'avaient aucun rapport
avec ce que j'entendais : les improvisations à l'orgue de Thierry
Escaich dont on voyait le jeu des mains ou des pieds (magnifiques
chaussures) et parfois le visage sur un cran écran dans le coeur, et
le texte de Lydie Dattas dit par Mireille Herbstmeyer, droite et
tendue dans une petite robe noire, à côté dudit écran
Texte ainsi présenté par
Lydie Dattas (dont j'ai découvert qu'elle était à côté de moi en
la voyant venir saluer à la fin)
Un jour j'ai trouvé
Jean Genet assis dans mon fauteuil. L'ayant reconnu dans la rue et
désirant me faire plaisir, Alexandre l'avait, avec sa science
gitane, conduit jusqu'à ma porte. Le poète s'installa bientôt dans
le studio du dessous. Le soir même, j'entrai dans sa chambre pour
discuter avec lui, exprimant joyeusement mes désaccords à celui
dont je vénérais l'écriture. Le lendemain Genet signifia mon
bannissement : “Je ne veux plus la voir, elle me contredit tout le
temps. D'ailleurs Lydie est une femme et je déteste les femmes.”
Cette parole qui me rejetait dans la nuit de mon sexe me désespéra.
Trouvant mon salut dans l'orgueil, je décidais d'écrire un poème
si beau qu'il l'obligerait à revenir vers moi. Pendant des semaines
je cherchais le point d'attaque de mon verbe. Surmontant mon
désespoir j'écrivis La Nuit spirituelle pour le blesser aussi
radicalement qu'il l'avait fait, lui rendant mort pour mort. Quand
j'eus mis le point final, face à sa haine des femmes luisait le bloc
de nuit de mon poème, lequel en lui donnant raison lui donnait tort.
Le jour suivant on cogna à la porte : c'était Genet.
Quelques bribes du texte
notées, vers son début, de celle qui était renvoyée à être un
réceptacle de sperme , inapte à la pensée, à la beauté (je me
demande si la jeune femme qu'elle était – 20 ans – n'avait pas
un tantinet exagéré l'opinion de Genet)
condamnée à la plus
humiliante infirmité, sui n'est pas celle des corps mais celle de
l'âme.. porter éternellement le deuil de la pensée..
misère spirituelle
d'autant plus grande qu'elle ne sait pas son nom et qu'elle est faite
de l'ignorance de sa propre malédiction...
et
décision puisque l'accès à la pensée, à la beauté est fermé,
d'en être la face noire... vos phrases miraculeusement retournées
musique
qui va de la houle dans la nuit aux clapotis, avec des rugissements
sans cesse renaissants de cataracte – des incursions de lumière
comme des écharpes etc....
le
soleil est encore là en sortant, la tiédeur aussi qui ne veut être
chaleur, et les rues où il semble que l'on renonce à reposer les
affiches défuntes.. mais ma place avait retrouvé son animation
cuisiner,
déjeuner, noter cela en luttant contre l'envie d'une sieste, pour
repartir
vers
la Condition des soies, sous un ciel tout différent de celui de la
veille, pour les visages et les corps de Chéreau montés et
dits par Philippe Calvario
vu
qu'il y avait une file d'attente, été contente pour eux, me suis
fait inscrire sur la liste d'attente...ai piapiaté un moment (une tête rencontrée festival précédent, agréable, une autre femme nettement moins).. me suis fait rouler sur le pied par un char antique heureusement sans son passager
et la
file d'attente s'est close juste devant moi, ai décidé que le off
n'avait pas vraiment besoin de moi, que la Condition des soies ne me
valait rien cette année -petit regret tout de même... n'ai qu'à
lire le texte, ce que j'ai fait pour une petite partie trouvée sur
internet
Faute de mieux, il peut
m’arriver de copier les chorégraphies des autres, la science et
la musique des autres, les romans que je n’écrirai jamais, les
musiques que je ne composerai jamais. Je suis un voleur à
l’étalage, un pilleur malin qui prend son bien là où il le
trouve et qui mange à chaque repas toutes les personnes et les
œuvres qu’il admire.
…..
Quand l’autre
devient-il indispensable et à quel prix ? Comment rester autonome ?
Savoir que l’autre existe peut suffire, cela aide à tenir une
journée durant. Ou deux. Mes pensées l’accompagnent, au loin il
sait que je suis là, quelque part, je ne connais pas tout de son
emploi du temps - rien presque -, mais quand je le revois, je le vois
plein de tout ce que je ne sais pas et ne saurai jamais de lui....
et
suis rentrée pour tenter un petit somme, rencontrant une troupe que
j'ai vaguement envie d'aller voir à Golovine et de gros nuages que
j'ai regardé d'un oeil torve (la représentation à Boulbon, hier, a
été annulée)
mettre, contre le frais de
la nuit, une petite soie sous ma chère vieille robe en jean, un
jean, prendre grand rectangle de lin teint de ma nièce pour serrer
contre épaules et cou, et départ en début de soirée vers
la
grande poste, la navette pour la carrière, Boubon,
la beauté des éclairages sur la campagne, le fleuve
la petite trotte entre le parking et l'enceinte des spectacles, en se tordant un peu les pieds, en s'arrêtant pour contempler
la longue attente, que toutes les navettes soient arrivées, qu'il soit dix heures moins le quart, qua la nuit s'installe, pendant que la plus grande partie du public se restaure… contempler, se résoudre à un café, une ou deux gorgées chaudes, et puis le jeter parce que vraiment trop médiocre, comme chaque fois
s'installer au premier rang, sous la scène, au niveau des percussions, découvrir que la passerelle qui tient lieu de scène fait le tour du public, faire connaissance de mes voisins, avoir en commun une crainte de torticolis (il n'en sera rien) et juste avant les trompettes passage d'un gros nuage noir et de sa pluie… moment d'inquiétude, et simple retard d'une dizaine de minutes, passées avec la couverture drapée en capuchon
et puis me suis, sans réserve régalée, avec ce passage du Mahabharat Nalacharitam monté par Satoshi Miyagi
photos de K. Miura sur
le site du festival
encore une fois,
paresseusement, sur le programme,
Satoshi Miyagi...
confie à vingt-cinq acteurs-danseurs et musiciens le soin de relater
un des épisodes de cette épopée : l'histoire d'amour contrariée
du roi Nala et de la belle princesse Damayanti, son épouse, avec
toutes les épreuves initiatiques qu'ils devront traverser, leur
rencontre avec les monstres des forêts mais aussi les bons génies
qui vont les aider à se retrouver. En une suite de tableaux vivants
ponctués par la narration d'un récitant, ce sont les corps des
acteurs, vêtus de somptueux kimonos en papier, référence à
l'époque Heian (IXe-XIIe siècles), qui sont mis en scène avec une
précision de gestes et de regards qui émerveille. Ces corps
racontent les batailles, les intrigues, l'errance, le désir,
l'amour, la peur, les histoires des hommes perturbées par les dieux.
Habitées par la force du poème, ces figures vivantes transmettent,
parfois avec beaucoup d'humour et de distance, l'émotion d'une
fresque qui nous semble toujours aussi merveilleuse et riche
d'enseignement
sauf qu'il n'y a pas de combat, une des raisons du choix de cet épisode - peut-être
pourrons-nous prouver que, même éloignés de la guerre, nous
pouvons saisir l’essence du monde ou de l’être humain.
(entretien avec Satoshi Miyagi
dans le programme de salle) -, comme le fait que la reine reconnaisse son époux à sa façon de cuire la viande qui se retrouve dans plusieurs contes anciens asiatiques et parce que dans
le Konjaku monogatari shū, recueil des contes de l’époque Heian
(IXe-XIIe siècle), on trouve beaucoup de contes provenant du
folklore indien..
Ce qui caractérise ma
mise en scène c’est la division des comédiens en trois groupes:
ceux qui agissent, ceux qui content et ceux qui jouent des
instruments. Cette façon de diviser les tâches se trouve non
seulement dans le nô, le bunraku et une partie du répertoire du
kabuki, mais aussi dans le kutiyattam indien.
régal
de l'esthétisme des images, de la beauté des déplacements qui
reprennent ceux d'une forme ancienne du nô, des mouvements des
figurants/choeur, du manque de profondeur de la scène, mais du
déplacement incessant, frontalement, de l'action, de ces moments où
les personnages prennent la parole eux-mêmes, où elle circule entre
choeur et récitant, régal de l'hybridation, régal des passages
subtils à une forme plus moderne de représentation, et des niveaux
différents de ce modernisme, régal de l'humour, qui va parfois
jusqu'au franc comique et de la poésie, toujours, comme cet oiseau
de papier au bout d'une perche qui vole vraiment pour nous, du tigre
de tissu, de l'énorme boa constitué par le choeur accroupi, des
éléphants réduits à de grandes têtes stylisées, des costumes de
papier des dieux, de la musique de Hiroko Tanakawa, de ce moment
aussi où, pour marquer une étape dans le récit, le récitant
brandit un panneau nous intimant l'ordre d'écouter la musique,
laquelle se lance dans des ruthmes latinos, et de l'unité de
l'ensemble…
applaudissements, saluts,
dernier au revoir en passant à un éléphant abandonné
et tenter de mettre en
mouvement les jambes ankylosées pour regagner la navette
puis pour suivre, en essayant de ne pas avoir l'air trop soule, la rue Joseph Vernet vers
l'antre.
5 commentaires:
Cette carrière est un beau théâtre...
on pourrait dire qu'elle se suffit à elle-même - raison de plus quand le spectacle s'y niche aussi bien
Beau décor minéral.
La guerre, malheureusement, fait partie du décor humain.
Arts ..tristes
ET l'enchaînement de l'humour au drame
Spectaculaire ce lieu
Arts.tristes ...ha ha je suis l'art gai !
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