réveil en plusieurs
épisodes, quasi définitivement – si suis parfois totalement
réveillée – vers dix hures, lavage cheveux, tri vêtements à
repasser, tourner en rond, penser Karamazov, hésiter, retourner en
rond, et puis se lancer et pondre ce que pouvais, sentant combien
insuffisant... mais mettre en ligne (pour moi et quelques passants)
parce qu'environ une heure et faim, vaguement, cuisine, déjeuner, un
peu de nettoyage cour, défriper uniquement une robe et deux
écharpes avant de sombrer dans sieste…
émerger, s'ébrouer, préparer patates
pour le soir (l'éternel recommencement) endosser vieux tube de fil
d'Ecosse gris très pale et monter côte vers l'opéra
plaider avec une tee-shirt
rouge un rien rigide, pour obtenir une place aussi loin que possible
de la clim
Espaece donc
d'Aurélien Bory qui présente ainsi le spectacle sur le site de
sa compagnie
Je choisis comme titre
un mot qui n’existe pas. Qui n’a pas de signification. Qui doit
sa forme à deux mots superposés, espèce et espace, contenus dans
le titre du livre Espèces d’espaces de Georges Perec, mon point de
départ pour ce spectacle. Cette superposition est celle que
j’explore dans mon approche du théâtre : mettre l’espèce dans
l’espace ou même plus, faire en sorte que l’espèce et l’espace
coïncident.
En arpentant le livre
de Perec, j’exécute en quelque sorte un programme. Je pars de la
première phrase d’Espèces d’espaces : «l’objet de ce livre
n’est pas exactement le vide, ce serait plutôt ce qu’il y a
autour ou dedans». Et je l’applique au vide de la scène.
J’arpente le plateau, physiquement, littéralement. J’intègre
ses dimensions, j’éprouve les lois physiques qui le traversent,
j’observe la machinerie. Je regarde autour. L’autour est le seul
chemin possible qui me mène au dedans. Le vide du plateau contient
toutes les formes, tous les spectacles. L’autour est le lieu des
traces. C’est aussi le lieu de cette trace particulière qu’est
l’écriture.
Le théâtre porte le
geste maintes fois répété de réécrire par dessus les traces. Le
processus d’ Espæce ressemblerait à cela, une superposition, un
palimpseste. Qui rejoindrait alors la dernière phrase du livre de
Georges Perec : «Écrire : essayer méticuleusement de retenir
quelque chose, de faire survivre quelque chose : arracher quelques
bribes au vide qui se creuse, laisser quelque part un sillon, une
trace, une marque ou quelques signes.»
et
voilà que rentrant, après jubilation, plaisir de l'intelligence,
teintée de sensibilité, après ces espaces mouvants selon des
règles légèrement, puis de plus en plus fluctuant, jusqu'à créer
l'angoisse parfois, cette rigueur de règles qui, se formant devant
nous, dérivent un peu, varient sans arrêt, devant les humains qui
en jouent, en sont victimes, sont étonnés, se trouvent en
situation d'angoisse, devant la solidarité, devant l'amour et la
perte, devant les alvéoles se transformant en bibliothèque, me
demandant comment en parler, évoquer la beauté des gestes des trois
danseurs acrobates, ces moments où les gestes sont identiques, avec
léger décalage au début, avant que les individualités
s'affirment, évoquer la musique, la sombre rumeur que je baptisais
musique des sphères, et puis la voix de femme entre lamentation et
berceuse, et le chant qui bruite une histoire, les rires de la sale
et la beauté du timbre par moment (musique de Joan Cambon),
je
trouve, une fois encore, sur Culturebox un article qui décrit,
décrypte parfaitement ce que j'ai vu (même si veux croire que la
jubilation m'était personnelle)
http://culturebox.francetvinfo.fr/avignon/le-festival-d-avignon/espaece-aurelien-bory-reinvente-en-langage-theatral-les-especes-d-espaces-243307
les
trois photos, elles, sont bien entendu de Christophe Raynaud de Lage
retour
vers l'antre, arroser, pondre ceci et le mettre en ligne, sortir
veston blanc, le juger pas trop fatigué, faire un tour sur internet
et repartir
vers
le cloître des Célestins espérant que le spectacle qui s'y donne
actuellement sera plus en harmonie avec mes très bons souvenirs de
ce lieu que le précédent... cloître devant lequel s'étirait une
file d'attente interminable qui a fait trembler mes jambes
Fatmeh
le premier des deux spectacles d'Ali Chahrour (Liban)
«Habitant du désert,
Tu m'as appris à pleurer. Ton souvenir m'a fait oublier toutes les
catastrophes. Et même absent sous terre, Tu seras toujours présent
dans mon coeur triste»... Fatmeh, prénom arabe qui hante la culture
populaire dans tout le monde arabe. Prénom de la fille du Prophète
Mahomet. Fille dont les lamentations poétiques – écrites au VIIe
siècle – sont récitées dans cette pièce qui en porte le nom.
Deux
femmes, deux danseuses qui ne l'étaient pas, (Raina Al Rafani,
vidéaste, petite douce superbes cheveux châtains, et Yumma Marwan,
comédienne – et chanteuse on le découvrira vers la fin -, grande
mince, cheveux noir) et la recherche par le chorégraphe de ce qui
est permis ou non, attitudes qu'il met
en débat sur un plateau, espace de liberté proche de celui des
célébrations rituelles du deuil, seul moment dans la culture
religieuse qui est la sienne où « le corps peut s'exprimer
librement » en libérant ses émotions.
Apparaissent
en robes courtes sans manches, les enlèvent, se retrouvent en
collants noirs et soutiens-gorge itou, qu'elles recouvrent de
débardeurs et longues jupes ires (dans le cas de Yumma Marwan un
très long plissé dans lequel elle s'enroule et qui lui permettra de
belles images en tourbillonnant et de se voiler en en relevant une
partie) un prologue où elles restent d'abord immobile pendant que
l'on entend la voix d'Oum Kalsoum puis peu à peu elles se frappent
la poitrine, de plus en plus vite, le corps se met à ployer en même
temps en avant/en arrière, de plus en plus frénétiquement. Une
danse bras jetés en l'air, les visages se voilent, vient la transe..
et puis elles se dévoilent, se maquillent en s'entre-aidant, avant
une danse ondulante, tourbillonnante jusqu'à l'épuisement... etc...
et le côté un peu rituel vrai ou inventé, l'impression d'être un
peu en dehors, voyeurs, même si intéressés s'efface devant une
danse de plus en plus contemporaine, tout en restant teintée
fortement par l'orient, laissant dans la mémoire de belles images
comme ce moment où sur un son de vagues sur le rivage Yumma Warwan
recule entraînant le corps de Raina Al Rafani, gisant sur ce qui
pourrait être un rivage, comme le moment où elles sont toutes deux
debout à contre-jour devant une arcade pendant que Yumma Warwan
lance son chant, des moments de tendresse, d'assistance mutuelle, des
moments dans le plaisir de la danse...
et
de longs et répétés applaudissements
Une
journée de ciel bleu pur, de petit vent aimable et pour moi de
spectacles courts.
2 commentaires:
Perec sur scène, pourquoi pas ?
Le titre qui mélange "espace" et "espèce" n'est pas très beau !
Mais peut-être que la suite...
la suite est un pur régal .. et Perec n'est là que comme inspiration au début, sauf que finalement il n'est vraiment pas loin
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